Les marques lifestyle : exemple de Lidl, Decathlon, Jennyfer

Les marques lifestyle : exemple de Lidl, Decathlon, Jennyfer

Le point commun entre Lidl, Decathlon et Jennyfer ?

Ces enseignes ont toutes montré une volonté de dépasser leur statut marchand en se réappropriant des phénomènes sociétaux. Elles sont in fine devenues… des “marques lifestyle“. Explications.

 

1ere marque lifestyle – Lidl : Ugly is the new cool

Rappelez-vous. En 2020, le distributeur crée la surprise en lançant une collection de sneakers, tee-shirts, claquettes, chaussettes… brandés Lidl. Les clients sont au rendez-vous et le buzz, immédiat : en quelques minutes, les baskets sont en rupture de stock.

En 2021, Lidl réitère avec des pulls de Noël. Ces différents produits se caractérisent tous par un prix très bas (la paire de baskets était à 12,99 euros), une quantité limitée et… une mocheté sans pareil !

Et si l’engouement des consommateurs s’explique en partie par la stratégie de la rareté qui crée le désir, c’est une autre raison qui nous intéresse ici. Si les sneakers Lidl et ses dérivés sont aussi affreux, c’est parce qu’ils reflètent la volonté d’être en adéquation avec ces consommateurs contestataires qui rejettent les canons esthétiques : le moche est devenu trendy, et ce n’est pas le monde du luxe qui dira le contraire… Avec les Ugly Shoes qui sont partout depuis le lancement de la Triple S de Balenciaga, on aura fini par comprendre le message : la mode ne doit plus se fier aux normes de beauté classiques !

Lidl : ou comment s’inscrire dans la mouvance de la contre-culture, portée par une jeunesse désireuse d’envoyer valser les codes et diktats esthétiques.

lidl marque lifestyle

 

2ème marque lifestyle – Decathlon : normality as difference

 

Decathlon, des articles de sport qu’on n’assume pas porter ? Si tel a pu être le cas un jour, ce temps est bel et bien révolu !

Et l’influence de certains rappeurs y est pour quelque chose… Orelsan et sa tenue camouflage dénichée au rayon chasse de Decath’ ou encore Jul et sa fameuse doudoune Quechua : les nouvelles stars du rap français se montrent sans chichi, délaissant le bling-bling et le m’as-tu-vu des gros logos de marques. Decathlon est même présente dans leurs musiques : « Pochon dans le sac Quechua, claquettes, coupons, séchoirs / J’ai envie de rôder le soir, mais dans la vie faut faire des choix », nous confie Jul dans sa chanson JCVD. De quoi ravir la marque qui joue et s’appuie sur ce retour de hype fructueux, notamment sur ses réseaux sociaux.

Decathlon est ainsi devenu le temple du « normcore » : un mouvement vestimentaire caractérisé par une esthétique de la normalité/banalité, qui sacralise le non-style et le fonctionnel, pour sortir de la tyrannie des marques… et donc se dé-marquer !

Decathlon : ou comment surfer sur la tendance du normcore (sans même le vouloir au départ !).

decathlon marque lifestyle

 

3ème marque lifestyle – Jennyfer : no stereotype, true identity

Il y a quelques années encore, la marque Jennyfer souffrait d’un criant déficit d’image (vêtements de mauvaise qualité, peu attrayants, vendus dans les magasins des petites villes de province ou dans les centres commerciaux des grandes villes…) et les stéréotypes sur ses consommateurs étaient particulièrement virulents. C’était une marque cheap et désuète, une marque qui ne donne pas envie.

Et pourtant, en 2018, la marque réussit le tour de force de se réinventer et de devenir désirable. Comment ? En se jouant des clichés qui lui collaient à la peau pour mieux y mettre fin ! Cela s’est traduit notamment par cette campagne de communication rondement menée, Don’t call me Jennyfer, et son concept du #ZéroÉtiquette basé sur une idée forte : nous sommes tous libres et pouvons imposer nos personnalités et nos styles sans se soucier des stéréotypes auxquels nous pouvons être associés.

Si le rebranding de Jennyfer a si bien fonctionné, c’est qu’il parle au cœur de sa cible adolescente, en montrant que la marque souffrait finalement des mêmes maux que cette génération.

Jennyfer : ou comment rebondir sur la quête identitaire des jeunes et prendre part à la guerre contre les stéréotypes.

jennyfer marque lifestyle

 

Pourquoi on aime les marques lifestyle :

Contrairement à certaines marques qui vont chercher à se connecter à leurs cibles par tous les moyens au risque de frôler parfois le clin d’œil totalement opportuniste à un phénomène culturel ou sociétal, ces trois cas nous montrent qu’il est possible de le faire en parfaite cohérence avec l’ADN de la marque. Lidl a certes joué sur la stratégie de la rareté et la mode du moche bien connues des marques de luxe mais avec des prix extrêmement bas. C’est ce que fait la marque depuis toujours : proposer des offres imbattables à ses clients. Decathlon a fait le choix initial de privilégier la technicité, avec la promesse d’offrir du solide et de l’utile plutôt que du style, s’inscrivant dès le départ dans le sillage du normcore. Quant à Jennyfer, elle a choisi d’assumer pleinement son héritage, à commencer par son nom aux accents ringards, et d’accepter son statut de marque bas de gamme pour s’affranchir de sa propre étiquette… sans se renier.

 

Sévan Sauvaget, Strategic Planner

1920 1080 France