Au risque de dénoter, dans notre culture où il est de bon ton de cultiver la modestie, fut-elle feinte, j’estime exceller dans mon job. Je suis une des consultantes en prospection stratégique les plus courues du marché, une référence dans mon domaine d’expertise. Je n’ai aucun doute sur mes compétences. Je me sens valorisée, reconnue. Et mes chevilles vont bien, merci.
Et pourtant, je fais du One-Woman-Show. Pourquoi ? Pourquoi m’être engagée dans cette voie, alors que je n’avais au début ni compétences particulières, ni facilités ? Pourquoi avoir insisté, alors même que je pleurais de rage et de frustration, persuadée que tous les autres étaient meilleurs que moi ? Pourquoi avoir mené jusqu’au bout ce chemin de croix en forme de montagnes russes qui m’a fait prendre kilos et cheveux blancs ?
Et encore, moi, je n’ai rien à perdre. Mais pourquoi Arthur, star de la première chaîne d’Europe, riche et célèbre, s’offre-t-il en cible à ses détracteurs en montant sur scène ? Pourquoi Michel Drucker quitte-t-il le confort douillet de son canapé rouge pour courir les salles de spectacles de France ? Et que penser d’Edouard Philippe au Casino de Paris ou d’Arsène Wenger à l’Olympia, pourquoi ?
Quand on sait que la peur de la prise de parole en public dépasse la peur de la mort, qu’est-ce qui pousse ainsi l’être humain à se mettre en danger, à embrasser la souffrance contre un hypothétique bénéfice futur ?
Peut-être n’y a-t-il pas d’autre moyen de quitter un confort étouffant que de sauter dans l’inconnu. Pour retrouver la fraîcheur de l’enfant, celle des premières fois, du jamais vu, du jamais vécu. Notre peur devient alors un indicateur que oui, il faut y aller, pour vibrer à nouveau et renaître à la vie.
Ainsi, quand on interroge Kev Adams sur le moment le plus fort de sa carrière, il ne parle pas de cinéma, de Zénith ou de Soda, mais de ce moment derrière le rideau, juste avant de monter sur scène pour la première fois. Dans la série “Smallville”, on ne voit Superman prendre du plaisir et s’eclater qu’une seule fois, à l’issue d’un match de basket où, ayant perdu ses pouvoirs, il s’est pris la branlée de sa vie. Oui, il a sué, il a souffert, mais il a vécu, bordel !
Finalement, le kiff, n’est pas d’être une super-star ou un super héros, mais de se réaliser en tant qu’humain. Car même un job de rêve finit par devenir un job comme les autres ; toute passion s’éteint sans nouvelles bûches pour l’alimenter. Il s’agit pour chacun de nous de trouver son « Why », ce qui nous inspire, nous émeut, nous fait vibrer, fus-ce de peur, pour vivre sa vie, non par défaut, mais en pleine conscience, comme une aventure perpétuelle.
Catherine Sandner, New Business Manager