La communication directe

La communication directe

Un de mes principaux défis, en tant que manager du développement en agence de communication, c’est d’insuffler un état d’esprit new business au sein des équipes. Cela passe par convaincre des personnes habituées à une communication floue à adopter une approche plus directe. En agence, parler concret, aller droit au but, dire ce qu’on veut, proposer sans détour un rendez-vous relève du grossier, voire de l’obscène. Pourtant, à mes yeux, être direct, c’est être poli. En effet, quand on « dérange » un décisionnaire, la moindre des politesses consiste à ne pas lui faire perdre le temps. Il doit comprendre dès les premières secondes qui, quoi, pourquoi ? Nous le savons tous pour l’avoir vécu : rien de plus agaçant qu’un interlocuteur qui se noie en circonvolutions avant d’arriver au but de son appel. Bref, en prospection : soyons poli, soyons direct !

 

Si ce métier me convient si bien, c’est sans doute aussi parce que c’est dans ma nature et mon tempérament de dire ce que je pense et de faire ce que je dis, sans détour ni fioriture. D’être dans le vrai, plutôt que dans le Small Talks. D’être transparente plutôt que d’entretenir la façade. C’est dire combien j’ai du mal à m’inscrire dans la culture française avec ses 50 nuances de « ça va » dont les deux tiers veulent dire que « ça ne va pas ». C’est dire aussi combien je suis un contre-produit d’une éducation alsacienne des années 60, où une fille « bien élevée » s’efface, tais ses désirs et respecte les convenances. On lui propose de reprendre une part de gâteau ? Elle dit « non » (alors qu’elle meurt d’envie de dire « oui »). Bref, elle apprend très tôt à dire le contraire de ce qu’elle pense.

 

Et puis, je suis devenu parent à mon tour et comme tout parent j’ai voulu être un parent différent de mes parents. J’ai donc élevé ma progéniture dans la communication, l’authenticité et l’expression de soi. Et, ma foi, quand je vois comment elle argumente pour obtenir ce qu’elle veut, j’ai plutôt réussi ma mission. Mon aîné est de plus patiné de douceur, d’écoute et de serviabilité qui en font un être charmant et « bien élevé », comme si les efforts de mes parents avaient sauté une génération pour porter leurs fruits. Jusqu’à ce court séjour mère-fils où nous fûmes invités et où je l’entends effarée demander à notre hôte du saumon pour le petit-déjeuner et répondre « oui » à sa question « veux-tu que je te repasse tes T-Shirt » ? Me voilà donc, moi, l’autiste des bonnes manières, à lui expliquer le « jeu social » qui consiste à ne pas demander ce que tu veux, à répondre le contraire de ce que tu penses à des personnes qui, sous couvert de politesse, te font des propositions rhétoriques.

 

Et devant son incompréhension et son désarroi, j’en viens à rêver d’un monde où on pourrait être soi et dire ce qu’on pense. Bien sûr, il faut un peu de jeu social pour arrondir les angles et nourrir le relationnel de surface, mais que d’énergie gaspillée à poser de fausses questions et à fausser nos réponses. A penser à la place des autres. A s’imaginer ce qu’ils voudraient entendre et à répondre dans ce sens. Une communication un peu plus vraie et plus directe mettrait-elle réellement le lien social en péril ? Et si le respect, la vraie politesse, c’était le courage d’être soi ?

 

Catherine Sandner, New Business Manager

2560 1707 France

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