Je suis une femme de projets. Les projets c’est la vie, et le meilleur antidote au vieillissement. Et voilà que la grosse boule du coronavirus vient bousculer la rangée bien alignée de mes projets. Explosés, déstabilisés, mes projets ne ressemblent plus à rien. Comment me projeter alors que je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait ? Quand les projets les plus anodins, rendez-vous, sorties, concerts, anniversaires, vacances… sont mis sur pause ? Quand vies personnelles et professionnelles deviennent virtuelles ?
Contrainte et confinée, j’ai appris à vivre sans projet. Pendant dix semaines, j’ai évolué dans une vie circonscrite à cinq activités : télétravail, cuisine, séries, Facebook et sport. Et ma foi, j’y ai trouvé mon plaisir. J’ai redirigé mon énergie et ma créativité sur ces cinq activités. Ma fierté n’allait plus dans ce rendez-vous obtenu avec un top décisionnaire mais dans la réussite de ma recette de bretzel dès le premier essai ! J’ai ainsi perdu toute motivation à penser projet, à m’investir d’une quelconque manière dans l’après. Je me suis installée dans la zone de confort de mon foyer, à vivre au jour le jour, sans complexe ni culpabilité. De là à en conclure que c’est ça, la vraie vie ? Redevenir un têtard lové dans le confort douillet du ventre maternel ? N’allons pas trop vite en besogne. Même bébé finit par quitter sa lagune all inclusive pour affronter les défis du monde extérieur.
D’abord, cette capacité à jouir de l’instant présent et à se nourrir de petites victoires domestiques s’alimente du sentiment de faire partie d’une aventure collective. Même si cette parenthèse n’est pas choisie, elle n’est pas subie de la même manière qu’une période de chômage par exemple, où l’on se sent vite hors de la vie, abattu par tout ce temps dont on dispose mais dont on ne sait que faire. Là, on est tous dans le même bateau et animé par un projet qui conditionne tous les autres : survivre ! Avant, il fallait chasser le mammouth, fuir ou faire la guerre, maintenant il suffit de rester vautré dans son canapé !
Vient un temps aussi où l’on se sent prendre racine, moisir sur place. Où se développe l’intuition que ce laisser aller pourrait appauvrir le champ des possibilités, des expériences, des ressentis. Où la capacité d’apprécier l’instant présent devient une mauvaise habitude pour le futur. Un futur incertain, imprévisible, fait de moins, de mieux, de différent, mais un futur qui, d’une manière ou d’une autre, existera. Un futur dans lequel il faut, malgré tout, s’investir, même si l’envie nous en manque. Car ce dont nous n’avons pas envie est parfois ce dont nous avons le plus besoin.
Je n’avais pas envie de jouer ou refaire des sketchs, mais j’ai dit oui à ce plateau virtuel en direct sur Facebook. J’ai retrouvé le stress mais aussi l’adrénaline, l’excitation, l’exaltation qui font que je me sens vivante. Je n’avais pas envie de retourner travailler, mais j’ai proposé de faire mon évaluation annuelle au bureau. J’ai retrouvé les tensions de la vie professionnelle, mais aussi le partage, la stimulation, le challenge qui vont avec.
Le déconfinement passe d’abord par l’esprit. Le temps est venu de refaire des projets et de se reconnecter à la vie active. Quitte à se forcer un peu. Car s’il est plaisant de rester dans son canapé, c’est encore mieux d’y être vautré épuisé et satisfait par un défi relevé, un objectif atteint, un projet réalisé.
Catherine Sandner, New Business Manager