Pendant que les entreprises semblent concentrées sur les millennials et autres Gen Y ou Z, le pouvoir d’achat est aux mains de ceux qu’on appelle “seniors”. D’ici 10 ans, les +60 ans représenteront 30% de la population française et 59% du pouvoir d’achat mondial. Pourtant, ils sont encore trop souvent ignorés. Stigmatisés et incompris, les “nouveaux seniors” méritent toute notre attention. Comment gagner en pertinence auprès de cette cible qui représente une réelle opportunité cross-secteurs pour les marques ?
Non, la retraite n’est pas une défaite !
Les seniors ressemblent de moins en moins aux représentations qu’on s’en fait. Ils sont connectés (10 millions d’internautes en France), travaillent encore pour certains (recul global de l’âge de départ en retraite) et sont en bonne santé plus longtemps (allongement de l’espérance de vie). Plus qu’une segmentation basée sur le critère objectif de l’âge, il faut s’attacher à creuser le mode de vie. 4 profils attitudinaux ressortent : les traditionnels (37%), les aventuriers (37%), les accomplisseurs (17%) et les militants (11%).
Si quelques cheveux gris apparaissent dans les publicités au nom de l’inclusivité et d’une meilleure représentativité, l’imaginaire lié aux “seniors” a besoin d’un bon coup de frais ! Sur Shutterstock, les images sont en décalage avec les évolutions sociétales et si l’on tape “retraite” sur Google, les assurances, aides juridiques et aides financières ont la part belle. De même, la “silver economy” repose encore principalement sur l’idée d’assistance : autonomie, lien social, prise en charge.
L’opinion publique conteste de plus en plus ce déficit de représentation et de considération.
Boomers are coming !
Nous avons mené notre enquête pour aider les marques à repenser en profondeur leurs offres, services et expériences pour répondre aux attentes de ces “nouveaux seniors”.
Finissons-en avec les “retraités”, “seniors”, “aînés” ; ils ne se reconnaissent pas dans cette sémantique et 80% d’entre eux se considèrent stéréotypés dans la publicité. Ces “nouveaux seniors”, nous les appellerons dorénavant “Boomers” en référence aux “baby-boomers”, les personnes nées entre 1945 et 1964.
Même si la retraite est un moment charnière qui marque un changement en termes de rapport au corps, au temps et aux autres, elle est loin d’être vécue comme un recul, comme la littérature à destination des pré-retraités tend à nous le faire croire. Elle représente davantage un nouveau départ, un envol : “La retraite, c’est no stress, que du positif”.
Libérés, délivrés de toute contrainte, les Boomers veulent moins s’occuper que se rendre utile. On passe d’une recherche d’activité à une quête de sens : “la retraite, c’est l’heure des choix, la liberté d’être soi”. Fun fact : le taux de divorces après 60 ans a augmenté de 40%. On se recentre sur ce qui compte vraiment y compris soi-même, ses envies, ses centres d’intérêt – voire ses études. La retraite est vécue dans la continuité ; c’est un prolongement, et le rythme change peu : “Je ne suis pas tout le temps en vacances comme les gens le pensent, je suis en vacances quand je pars quelque part. Nos amis ne sont pas tous à la retraite, on continue de partir pendant les vacances scolaires”.
Mais les Boomers, ont aussi conscience d’être “en première ligne” quand ils voient leurs parents vieillir et préfèrent éloigner l’idée en prenant soin d’eux, en faisant de l’exercice, en mangeant bien, en alimentant des liens sociaux. C’est un moment de bascule à préparer.
Que peuvent faire les marques ?
5 enseignements
#1 Engager l’individu derrière le Boomer
La startup française Gang de grand-mères valorise un savoir-faire et le pérennise. Le collectif portugais Arte Urbana organise des initiations au street-art intergénérationnelles partout dans le monde. Le lifestyle est un meilleur curseur que l’âge. Oxo réinvente le design de tous les ustensiles de cuisine sans adresser spécifiquement les “seniors” : plus ergonomiques, ils correspondent à un besoin partagé aussi par les plus jeunes et tous ceux qui cherchent le confort dans l’usage.
#2 Enrichir l’expérience pour garantir l’indépendance et l’autonomie
Le soin est intergénérationnel. On va aller vers des produits sains et peu transformés aussi pour anticiper et prévenir la maladie ou la perte d’autonomie mais 61% des Boomers français considèrent que manger reste un plaisir. L’idée est de s’adapter aux habitudes de consommation de sa cible, à ses usages et à ses envies. C’est ce que fait Le Vertueux, du pain enrichi en fibres vendu en boulangerie pour ne pas changer les habitudes des consommateurs. C’est aussi ce qu’a fait Elli.Q en privilégiant l’interaction à l’information et en adaptant son design à une cible qui va chercher le bouton pour réduire ou augmenter le volume, contrairement à sa sœur, Alexa (Amazon). Ces usages, habitudes et envies varient énormément entre les cultures, ne jamais l’oublier.
#3 Repenser les offres
La retraite peut signifier le retour au cœur de l’action, dans un habitat plus petit au centre-ville comme ceux que proposent Quadra ou une volonté de partager son quotidien en co-living avec Ollie. Stoop s’est axée sur la flexibilité du bail pour permettre un engagement à plus court terme. Concert’o, à Bordeaux, repense le vivre ensemble avec sa résidence intergénérationnelle centrée sur le partage d’une passion commune. Côté vie à deux, Meetic avec Disons Demain adapte son offre aux attentes des +60 ans en utilisant une autre sémantique, plus franco-française, et en travaillant davantage sur la recherche de complicité que sur celle de l’âme sœur. Une devise commune : liberté, flexibilité, mixité !
#4 Changer les représentations
Les représentations des femmes et des hommes, dans leur rapport au vieillissement, au corps, à la sexualité, aux autres évoluent dans des séries Netflix comme “Grace and Frankie” avec Jane Fonda ou “The Kominsky Method” avec Michael Douglas. Les tabous tombent et les Boomers ne sont plus relégués à la périphérie du récit dans un rôle de grands-parents : ce sont les protagonistes. Pour sortir des clichés, la mutuelle Eovi MCD choisit “Françoise” comme ambassadrice dans de petits modules vidéo. De manière générale, le rapport à l’âge est encore trop prégnant en termes de sémantique même si les codes tendent à évoluer. Pourtant, prendre de l’âge va aussi de pair avec l’expérience, la confiance, l’audace. Allure Magazine a ainsi annoncé en 2017 que l’expression « anti-âge » ne serait plus utilisée dans l’espoir de changer la manière dont on perçoit le vieillissement et lui donner une valeur positive. Il faut repenser les ambassadeurs et aller au-delà de l’âge pour valoriser l’expérience. Si Lesley Crawford et Ignacio Quiles sont des influenceurs, c’est surtout parce qu’ils ont énormément à transmettre.
#5 Redéfinir les codes
Pourtant pas “faite pour eux”, la Twingo est la voiture préférée des Boomers, la proposition de valeur non segmentée et les codes intemporels résonnent avec les attentes de tous les citadins adeptes de petites distances et de praticité.
Les Boomers ont connu le mouvement punk, ont fait Mai 68, ont écouté Patti Smith et les Rolling Stones, il ne faudrait pas faire l’erreur de les prendre pour des petits vieux bien sages. Le stéréotype est la solution de facilité. Il faut apprendre à se détacher des cibles classiques pour aller vers des profils attitudinaux, s’intéresser aux modes de vies, aux usages, aux projets, aux envies de ses consommateurs. Loin d’être une opportunité pour seulement le secteur de la santé, les Boomers ont encore de belles années devant eux. Après tout, la jeunesse est d’abord un état d’esprit 😉
Avis d’expert rédigé suite à la conférence #LiveLonger élaborée par Kim Hartmann, Head of strategic planning
- Source : McKinsey, 2016
- Source : UN World population prospect
- Source : Generation Bold, JWC
- Source : Interview 10 personnes urbaines à la retraite depuis au moins 2 ans.